Le Cadre Géographique
Eleu, petite ville de l’arrondissement d’Arras, canton de Vimy, se trouve dans la “Plaine de Lens” ou “Gohelle” mais également près des collines d’Artois.
1 – Sa géologie
Le nord de la commune se constitue d’un bombement naturel crayeux dédoublé par la rue Brossolette (chemin de Boyeffles), recouvert de dépôts sableux, culminant à 66m, propice aux bois.
Au Mont “Eleu” succède l’éminence du cimetière communal de l’autre côté de la RN 25 (actuellement rue Gabriel Péri).
Au sud de la Souchez, on descend à 25m dans la “Plaine de Lens”, crayeuse, plus ou moins plaquée de limons fertiles après avoir rencontré la vallée de la Souchez, autrefois marécageuse où nos prédécesseurs extrayaient la tourbe pour se chauffer.
2 – Son habitat
Peu étendue (112h), autrefois exclusivement rurale, elle a vu sa physionomie particulière modifiée par l’exploitation minière. L’installation du chemin de fer des mines de Liévin a détruit son unité géographique et ses habitants ne sont plus animés par l’esprit de clocher d’autrefois.
La commune comprend en effet deux parties bien distinctes, soit “le village” proprement dit (rues Gabriel Péri, Louis Virel, Suzanne Blin, de l’Égalité) en aval, et six quartiers séparés du village par la ligne de chemin de fer, en amont.
3 – Sa population
Les premiers dénombrements apparaissent au XVème siècle: 6 maisons ou feux en 1414, 4 en 1469 (en estimant à 3 ou 4 personnes un feu), humble village encore en 1572 (5 à 7 maisons), petite bourgade agricole dont la population s’accroît lentement au XIXème siècle et surtout au XXème siècle à cause de l’implantation des Houillières de Lens, de Liévin (806 habitants en 1913). Après une chute logique pour les localités meurtries durant la “Grande Guerre” (445 habitants en 1923), l’essor est ininterrompu depuis lors: 2100 habitants en 1939, 2967 en 1968 et 3107 au dernier recensement de 1999.
4 – Le nom de la commune
Eleu-dit-Leauwette est un nom plutôt original, avec trois composantes que l’on ne trouve pas dans les noms des communes de la région, ni même ailleurs en France.
Les spécialistes s’accordent à penser que “Leauwette” signifie “petite eau” et constitue probablement une allusion à la Souchez, rivière qui traverse la commune.
En revanche, l’origine du mot “Eleu” est plus incertaine. Il pourrait provenir du français “Alleu”, terre libre à l’époque féodale. Mais d’autres hypothèses ont été envisagées : Aquilius ou Aquilus (comme la commune Elincourt) ou encore Hasletum (une coudraie, en bas latin). Dans ce cas, Eleu aurait été le pays du coudrier (noisetier).
Quant à la présence de l’adjectif “dit” qui renvoie en général à l’idée de surnom ou de modification d’appellation, elle pourrait traduire le fait qu’avant la Révolution, la commune avait la particularité de pouvoir être désignée sous deux noms différents : Eleu et Leauwette.
Leauwette était peut-être plus couramment utilisé par les gens de la commune et des environs, alors qu’Eleu était sans doute le nom d’origine, officiel, d’où Eleu dit Leauwette en rassemblant les deux noms.
La date la plus ancienne associée au nom de la commune (1070) fait bien référence à Eleu. Dans le “dictionnaire historique et archéologique du Pas-de-Calais”, il est en effet indiqué qu’en 1070, le comte de Boulogne assigna sur Eleu à la collégiale de Lens, une charrue de terre (étendue de terre labourable par une charrue à deux ou quatre chevaux selon l’endroit) et six courtils (un courtil étant un jardin attenant à une ferme où vivaient les vaches, un enclos ou un jardin champêtre, généralement clos).
Eleu s’appelait alors Aixloex. Puis les différents dictionnaires, ouvrages, registres d’imposition, registres de catholicité,…mentionnent plus de 40 formes différentes des deux noms de la commune ou de son nom composé, du Moyen-Age au 18 ème siecle.
Le nom actuel s’est manifestement imposé au moment du découpage administratif en départements, cantons et communes, opéré en 1793, sous la 1ère République. Il s’écrivait alors Eleu dit Leauwette (sans tirets), puis, à partir de 1801, Eleu-dit-Leauwette. Ce nom n’a plus été modifié par la suite. Toutefois, dans le langage courant, tout comme dans diverses dénominations relatives aux activités exercées dans la commune (clubs de sports,…), on se limite de nos jours à Eleu.
Cette appellation simplifiée a même connu une forme de consécration officielle puisque, depuis le 22 novembre 1965, les habitantes et les habitants d’Eleu sont les Eleusiennes et les Eleusiens.
Enfin, il est à noter que le passé peut ressurgir là où on ne l’attend pas : le parc d’activités situé en bordure de la rue Blériot s’appelle le Parc de la Lieauwette avec un “i”, comme en 1703.
En 1070, Eleu s’appelle Aixloex. On retrouve ensuite des formes variées : Alois en 1109, Ailois en 1115, Ailues en 1119, Aileis en 1135, Ailves en 1139, Ailoz en 1172, Aluez en 1174, Ailuues et Ailwes en 1218, Elues en 1250, Heilues en 1252, Maroie d’Ailues en 1272, Jehan d’Arloes en 1300, Aillues en 1330, Elloeus en 1336, Eiloes en 1339, Aielloes au 14 ème siècle, Elleux en 1569, Esleux dit Leauwette en 1572, Esleux en 1620, Leauvette en 1663, Esleux dit lieauwette en 1703, Leauwette en 1706, Loette en 1709, Eleu dit L’Eauet en 1709, Eleu dit L’Eauète en 1713, Esleu dit Leauette en 1720, Esleuz dit L’Auette et Eleux dit Leauette en 1737, Esleuz L’Eauette et Eleu dit Leauette en 1740, Eleu ditte Leauette en 1747, Leauette en 1748, Eleux en 1752, Esleux dit Leauwette en 1762, Esleux dit Lauwette en 1775 puis Eleux dit L’Eauète pour devenir Eleu-dit-Leauwette de nos jour.
Le Cadre Communal
1 – Les armoiries
Dans ces armes toutes symboliques adoptées en 1970, on retrouve les témoins de l’historique du lieu (le château remémore les fortifications du Mont Eleu, la croix de guerre, la destruction totale durant la guerre 1914-1918), le cadre naturel (l’eau évoque la Souchez et ses anciens marais), et les acteurs de la commune (la gerbe de blé rappelle l’agriculture; la lampe de mineur, le pic, la rivelaine et la “barette”, la fosse 3 de Liévin).
2 – L’église Saint Pierre
Une chapelle se dressait à l’emplacement actuel du cimetière. Elle fut entièrement détruite durant la guerre 1914-1918. Grâce à la coopérative Diocésaine et avec l’aide de généreux donateurs, ce qui n’était qu’une chapelle s’est transformé en une coquette église consacrée depuis toujours à Saint-Pierre, s’élevant aujourd’hui sur la place Louis Virel.
De style moderne, elle est flanquée d’un beau clocher aux grands abats-son, au dessous duquel se trouve le porche d’entrée.
Inaugurée le 20 juin 1933, cette église toute blanche et toute simple, possède quelques statues et des vitraux représentant Jésus-Christ, Notre-Dame de Lourdes, Saint Joseph, Saint Antoine de Padoue…
Son histoire
1 – Eleu sous l’antiqué
Ce qui deviendra Eleu a dû jouer un rôle important durant l’antiquité. Eleu se situait à la fois sur la voie gauloise menant d’Arras à Lens, sur celles de Lens à Cambrai et à Thièvres. Signalée par l’itinéraire d’Antonin (guide de voyage de la Rome antique) et bien connue, la voie romaine Arras-Cassel par Lens et Estaires suivait le même tracé que la chaussée gauloise par Roclincourt, Thélus, “la motte” de Vimy, “le Castrum (camp romain) du Mont Eleu et le fort situé à l’emplacement du cimetière actuel.
Le “Mont Eleu” voisin de Lens culmine à 51 mètres (emplacement de l’école Fassiaux). Bordé de deux côtés par la Souchez et d’un autre par l’ancienne voie d’Arras, il était encore au XIXème siècle découpé en 5 étages sur le versant de la rivière. Sur chacun d’entre eux garni de débris antiques (fragments divers, monnaies), on trouvait des parapets et des fossés. Alors que la plate-forme supérieur s’allongeait sur 190 mètres avec 90 de large, les gradins ne comptaient que 30 mètres de largeur. Si du côté Lens la pente s’adoucissait, là aussi existaient des fossés larges et profonds de 3 mètres, des parapets, des fondations de tours en briques romaines. Sous ce mont, des souterrains se ramifiaient; à sa base on fit la découverte de deux cimetières du IIIème siècle, au sud et à l’est (l’un contenait des tombes sûrement à inhumation). Au milieu des objets gallo-romains recensés, il faut signaler des silex polis (néolithique).
La butte fortifiée du “Mont Eleu” était protégée par de petits forts constituant des ouvrages avancés de défense : à Lens, le château (place de la République) et à l’est, la motte châtelaine (rue de la Motte) ; à avion les deux mottes du marais ; à Eleu retranchement à l’emplacement actuel du cimetière, autrefois l’église avant 1914-1918, avec fondations, tuiles à rebords, fossés, etc…
2 – Sous la révolution
Une cinquantaine d’habitants, soit 7 familles, 11 chevaux, 12 bêtes à corne, en somme un village pauvre dans une entité plutôt physique qu’historique : la Gohelle. Voilà Eleu en 1786, à la veille de la Révolution (194 ha de superficie).
La culture du blé occupe essentiellement les paysans de la commune : 178 ha de terres à labour, 13 de prairies.
L’exploitation du marais (1,7 ha) servant de pacage commun (jusqu’en 1779) ainsi qu’à l’extraction de la tourbe apporte un appoint appréciable.
3 – Deux tragédies 1914-1918 et 1939-1945
Le 4 octobre 1914, LENS tombe aux mains des Allemands ainsi que sa région dont ELEU.
Pour les Eleusiens commence le calvaire: bombardements, destruction totale, privations pour les habitants malgré le Comité Hispano-Américain, 12 victimes civiles, 13 soldats morts pour la patrie.
Durant ces tristes moments, M.BUTEZ Ambroise, directeur d’école et secrétaire de Mairie, assure le ravitaillement de la population et l’administration de la commune durant l’occupation ennemie. Par des prodiges d’adresse et d’audace il réussit, à la barbe des allemands, à creuser des souterrains où il put cacher les archives et toutes autres choses précieuses de la mairie que l’on retrouvera intactes après l’Armistice.
Le 23 septembre 1920, ELEU, ville meurtrie, reçoit la croix de guerre; le 1er Août 1926, ELEU, ville reconstruite, inaugure son monument aux morts. Deux dates, deux symboles.
Mai 1940, 2 septembre 1944 : encore une occupation allemande marquée par des bombardements mortels (9 victimes civiles), une répression impitoyable (8 fusillés et déportés), une participation active à la défense de la patrie (14 morts pour la France) et à la Résistance.
L’exploitation minière
Eleu a connu une activité minière qui a débuté aux alentours de 1870 par le forage de 2 puits , les fosses 3 et 3bis. En 1904, un troisième puit est foré, la fosse 3 ter. Des drames viennent entachés l’exploitation, notamment 1882 et 1883 (3 explosions meurtrières dues au grisou) et le 16 mars 1957 où l’explosion d’un tir de mines tua 10 ouvriers. L’activité cessa en juillet 1961. Le dernier chevalement fut détruit en janvier 1971.Les voies ferrées ont été retirés et remplacées par la voie rapide (D58). L’ancien emplacement de la mine est occupée, aujourd’hui, par l’entreprise Bénalu.
Le poste central de secours
Le poste central de secours se trouvait rue N-D de Lorette, sur la partie de la commune d’Eleu. Ce bâtiment fut construit en 1919. On y testait la résistance des câbles d’extraction et à partir de 1935, une galerie de démonstration fut installée.
Celle-ci est formée d’un gros tube en acier d’une vingtaine de mètres de long. Cette galerie permettait de s’exercer et de se former au sauvetage dans les mines.On y comptait une cinquantaine de sauveteurs qui sont intervenus sur de nombreuses catastrophes minières, comme celle de Liévin (27 décembre 1974). Aujourd’hui détruit, des appartements ont été construits et les seules traces qui restent, sont le muret et les grilles.
Le canal
Par décret du 2 août 1881, sur la demande de la ville de Lens et de la Compagnie Houillère de Liévin, le canal fut creusé en 1885-1886. Il prolonge jusqu’au pont d’Eleu, le canal de la Souchez. Le pont ou rivage d’Eleu possédait un trafic de 522 500 tonnes soit le 6 ème du Pas de Calais en 1913 et se situait dans les 25 premiers ports fluviaux français.
Malheureusement envasée, la “gare d’eau” fut désaffectée et en partie comblée en 1948.
Aujourd’hui la rocade a remplacé le canal. Peu de gens savent qu’il y avait un canal à Eleu.